Je ne sais pas pourquoi Imprimer

Le 15 mars 2016

Je ne sais pas pourquoi, ces derniers jours je surveillais presque quotidiennement les déplacements de Thierry  sur son site, zoomant au maximum en me demandant toujours si le dernier point de la balise pouvait correspondre à un endroit propice pour un atterrissage.
La nouvelle redoutée est tombée hier soir, Thierry est mort hier au Kenya en compagnie d’un journaliste, dans le crash de son ULM, en survolant une réserve dans le cadre d’un reportage qui aurait du être diffusé sur ARTE.

F-JSCZ lui avait fait survoler bien des contrées, de la France aux quatre coins de l’Europe, de la Patagonie au Kenya en passant par toute l’Amérique du Sud, les Andes, l’Amazonie sur flotteurs, les Caraïbes, l’Amérique Centrale, les USA, le Canada, le Groenland, l’Islande, puis l’Europe à nouveau avant de redescendre vers l’Afrique, continent qu’il chérissait tant et qui aurait du n’être qu’une étape avant de poursuivre vers l’Asie.
Pour avoir survolé une quinzaine de ces pays avec lui, dans des conditions parfois difficiles, j’avais appris à le connaître et à l’apprécier. Je ne le remercierai jamais assez de m’avoir permis de vivre ce que nous avons vécu ensemble. J’ai pu grâce à lui faire des vols que je n’aurais pas imaginé faire, pas tellement sur le plan technique, mais surtout à cause des obstacles administratifs qui se lèvent maintenant sur la route des voyageurs, et ce quel que soit le continent. Thierry avait un talent inégalé pour s’acharner à obtenir des autorisations improbables, pour passer des heures à les négocier, ou à négocier des remises sur les droits de survol ou les taxes d’atterrissage.

Son projet Earth Colors était une idée magnifique, simple et folle en même temps, mais qui à son contact paraissait complètement envisageable… survoler tous les pays du monde, en montrer les beautés incroyables, mais aussi montrer que l’homme est réellement le pire destructeur de son environnement que l’on puisse imaginer.

La Terre, la Nature, l’Homme dans ce milieu unique, étaient ce qui le portait, lui donnait cette énergie incroyable qui lui permettait de remuer des montagnes, de mobiliser autour de lui, complètement détaché des contingences matérielles qui nous importent tant et nous engluent dans un petit quotidien dont depuis longtemps il avait su s’extraire.
Thierry avait une vraie empathie pour l’autre, peu importaient origines, couleur, religion, argent… seuls comptaient la découverte, le partage, l’échange, l’amitié…Je ne crois pas qu’il était possible de se fâcher avec lui. Il pouvait parfois être un peu agaçant, quand il était complètement emporté par ses idées et n’écoutait plus ce qu’on lui disait, mais ces moments passaient vite, il avait tant à offrir.  La terre rétrécissait à son contact, quand on évoquait les raids à venir, « on va passer par là, mais par ici çà doit être bien aussi… »  et on franchissait en quelques secondes des centaines de kilomètres !

Mauvaise journée décidemment ; ce point de vue égoïste ne m’empêche cependant pas de penser à ses enfants, mais aussi à sa femme qui doit accoucher bientôt.
Pourquoi lui, qui  aimait tant nous faire partager les beautés du monde alors, que tant de cons nous entourent et vont continuer à nous pourrir la vie au quotidien…Quelle injustice.

Au revoir Thierry, je me console en me disant que tu es mort en faisant ce que tu aimais dans ces magnifiques paysages que nous avons partagés en décembre dernier. J’espère simplement que vous n’avez rien vu venir et que vous n’avez pas souffert.

Tu vas vraiment manquer !

François Dejean